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Messagerie personnelle du salarié installée sur l’ordinateur professionnel : le secret des correspondances prime ….sous conditions !

Publié le 18/04/2016

Dès lors qu’il est question des TIC, la recevabilité des pièces produites dans le contentieux prud’homal se pose régulièrement devant la Cour de cassation. 

S’agissant des courriels, le principe est, comme souvent en la matière, simple : la Cour de cassation, dans son arrêt dit « Nikon » du 2 octobre 2001 (n°99-42942), a posé que tout salarié « a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l’employeur ne peut dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels et identifiés comme tels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à disposition pour son travail, et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle par la suite ».

L’application du principe est nécessairement source de contentieux.

En effet, les salariés ont rapidement saisi l’intérêt d’une telle décision et tentent d’élargir le champ d’application de cette protection.

Les employeurs ont parfaitement conscience des trésors inespérés que ces courriels peuvent contenir et tentent de trouver des brèches afin de pouvoir faire usage de tels documents dans le procès prud’homal. 

Tel est le cas dans l’arrêt du 26 janvier 2016 (n°14-15360, FS-P+B).

Une  salariée prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur et saisit le Conseil de Prud’hommes. L’employeur produit plusieurs pièces, dont la pièce litigieuse « 22 », en l’occurrence un échange de courriels reçu par la salariée sur sa boîte de messagerie personnelle et émanant d’adresses privées non professionnelles.

En effet, comme cela arrive fréquemment, la salariée avait installé sur son ordinateur professionnel une messagerie personnelle distincte de la messagerie professionnelle.

L’employeur avait consulté certains messages contenus dans cette messagerie personnelle et les avait produits en justice.

La salariée demandait à ce que cette pièce soit écartée des débats, motif pris de la violation du secret des correspondances.

L’employeur s’y opposait, indiquant que ces mails provenaient de l’ordinateur mis à disposition de la salariée à des fins professionnelles, et qu’ils n’étaient pas identifiés comme personnels. Ce faisant, il essayait de faire jouer la présomption selon laquelle les dossiers et fichiers crées par un salarié grâce à l’outil informatique mis à disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels.

Selon l’employeur, des courriers et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur professionnel ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils sont émis de ou vers la messagerie électronique personnelle du salarié.La Cour d’appel a écarté la pièce litigieuse des débats aux motifs que sa production portait atteinte au secret des correspondances.

La Cour de cassation valide cette solution : dès lors que les messages électroniques litigieux proviennent de la messagerie personnelle du salarié, messagerie distincte de la messagerie professionnelle, le secret des correspondances s’applique. La pièce constitue donc une preuve illicite devant être écartée des débats.

Cet arrêt doit être rapproché de deux autres décisions du 19 juin 2013 (n°12-12138 et 12-12139) dans lesquelles la Cour de cassation a validé la production par l’employeur de messages personnels du salarié, pour la simple et bonne raison que les courriels personnels avaient été transférés par le salarié sur le disque dur de son ordinateur, en les regroupant dans des fichiers non identifiés comme personnels. L’expert intervenu à la demande de l’employeur avait donc pu ouvrir ces fichiers et produire les courriels, le principe de l’arrêt NIKON ayant pleinement vocation à s’appliquer dans ces circonstances, peu importe que de tels courriels émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié.



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